Depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, la Russie connaît plusieurs évolutions internes notables. Parmi elles, la montée en puissance d’une organisation nationaliste baptisée The Russian Community (TRC), créée sous l’impulsion de Vladimir Poutine lui-même. Face à une guerre impopulaire et à une contestation croissante, le Kremlin avait besoin d’un relais nationaliste pour soutenir ses décisions et museler l’opposition.
Rapidement, la TRC est passée d’un simple mouvement patriote à un bras armé informel du régime, s’en prenant aux opposants à la guerre, aux partis politiques critiques et aux minorités ethniques et religieuses — particulièrement les communautés musulmanes. Soutenu en sous-main par le pouvoir, le groupe bénéficie d’une impunité totale, ses crimes étant systématiquement attribués à de prétendus « ennemis de la Russie ».
Le phénomène a d’abord touché les zones rurales, généralement peu couvertes par les médias officiels, avant de gagner les grandes villes où les violences sont devenues impossibles à dissimuler. Fidèle à sa stratégie, le pouvoir a accusé des groupes anonymes et anti-gouvernementaux. Les services de sécurité russes, le FSB (héritier du KGB dont Poutine fut officier), ont soigneusement évité d’enquêter sur la TRC.
Par ailleurs, ce mouvement permet au régime de canaliser la colère des vétérans du conflit en Ukraine, souvent négligés et frustrés, en désignant d’autres coupables que Poutine. Ce procédé offre ainsi au président russe un double avantage : maintenir l’ordre intérieur et détourner l’attention de ses responsabilités. Mais à long terme, cette instrumentalisation pourrait s’ajouter à la liste des crimes de guerre reprochés à Poutine.
Une alliance durable avec l’Église orthodoxe
Depuis plusieurs années, Vladimir Poutine tisse des liens étroits avec l’Église orthodoxe russe, considérée comme un pilier du nationalisme russe. Cette proximité s’est concrétisée en 2010 lorsque le Kremlin a annoncé la création d’un corps d’aumôniers militaires issus du clergé orthodoxe.
Sous l’ère soviétique, les aumôniers avaient été supprimés et remplacés par des officiers politiques (zampolits) chargés de veiller à l’idéologie et à la discipline. L’absence d’aumôniers et de véritables sous-officiers professionnels a contribué, après 1945, à l’essor d’un système de brimades brutales entre anciens et nouvelles recrues, entraînant suicides, désertions et indiscipline chronique.
La réintroduction d’aumôniers visait à combattre ce phénomène, mais se heurte à des obstacles : environ un tiers des soldats ne sont pas croyants et près de 20 % de ceux qui le sont appartiennent à des religions autres que l’orthodoxie russe. L’Église, quant à elle, milite pour limiter l’influence des autres confessions et s’oppose farouchement à l’implantation de religions étrangères, telles que les catholiques, pentecôtistes ou mormons.
Des craintes persistent quant à la volonté de l’Église orthodoxe de dominer le corps des aumôniers et d’imposer des restrictions aux autres religions présentes dans les forces armées. Pour l’heure, ces tensions demeurent partiellement contenues, mais les problèmes de cohabitation confessionnelle restent entiers.