Centrafrique : une guerre entre éleveurs et agriculteurs qui vire à la crise nationale


La République Centrafricaine (RCA) traverse actuellement une flambée de violences sans précédent entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires, deux communautés historiquement présentes et essentielles à l’économie locale et régionale.

Ce conflit trouve ses origines dans la guerre civile qui secoue le pays depuis plus de dix ans. Profitant du chaos, les agriculteurs ont créé des milices lourdement armées pour protéger leurs terres et leurs récoltes. De leur côté, des éleveurs du Tchad voisin ont envahi les riches pâturages centrafricains, attisant les tensions.

Pour tenter de contenir la situation, le gouvernement centrafricain avait renforcé sa présence dans les provinces rurales et signé en 2019 des accords de paix avec les deux principales milices d’éleveurs, l’UPC et le 3R. Ces groupes avaient provoqué une hausse de 50 % des violences entre 2013 et 2023. Malgré ces tentatives, les affrontements ont repris, les forces gouvernementales elles-mêmes étant accusées de participer à des vols de bétail, poussant les éleveurs à se tourner à nouveau vers des groupes armés pour assurer leur sécurité.

Depuis 2014, une importante aide étrangère occidentale avait été mobilisée pour résoudre durablement ce conflit, mais sans succès. En cause : la négligence des besoins des éleveurs nomades, qui peinent à accéder aux services vétérinaires et à la gestion des pâturages. Le gouvernement, davantage tourné vers les agriculteurs plus faciles à contrôler et à taxer, a abandonné ces populations itinérantes, accentuant leur marginalisation.

Par ailleurs, les relations tendues avec le Tchad depuis le coup d’État militaire de 2013 compliquent encore la situation. Pourtant, des efforts récents de normalisation et de sécurisation des territoires de transhumance suscitent un mince espoir. La population, épuisée par des années de conflits et de pertes humaines, réclame aujourd’hui la paix et des réformes profondes.

Un pays dans un chaos chronique

Depuis l’indépendance, la Centrafrique souffre d’une instabilité chronique. Entre les guerres dans les pays voisins (Congo, Soudan) et les nombreux mouvements rebelles internes, l’État peine à asseoir son autorité.

En 2009, la rébellion de la CPJP avait notamment affronté l’armée nationale (FACA) dans le nord, capturant même la capitale provinciale de Ndele. En 2010, Charles Massi, ancien ministre de la Défense devenu chef rebelle, est mort en détention dans des circonstances controversées.

Malgré la signature de l’Accord de paix global de 2008 (CPA) avec plusieurs groupes armés, la CPJP et d’autres factions comme le FDPC et le MLCJ ont refusé de déposer les armes, accusant le pouvoir de mauvaise foi.

Alors que le président de l’époque, François Bozizé, repoussait sans cesse les élections, les tensions politiques et militaires se multipliaient, faisant craindre un effondrement total de l’accord de paix. Les tentatives de désarmement, démobilisation et réinsertion restaient insuffisantes, faute de moyens et de volonté politique.

Aujourd’hui encore, malgré la présence de forces étrangères (russes, rwandaises) et des missions onusiennes, le pays reste un des plus instables d’Afrique, prisonnier de ses rivalités communautaires, de ses faiblesses institutionnelles et de l’ingérence régionale.

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