Alors que Donald Trump est de retour à la Maison-Blanche, les dirigeants européens réunis cette semaine à La Haye s’inquiètent de voir le président américain se désengager de l’Ukraine et de l’Europe. Pour tenter de calmer ses ardeurs, les alliés devraient annoncer une hausse massive des budgets de défense, espérant ainsi éviter que Washington ne laisse le Vieux Continent seul face à la menace russe.
Le problème pour l’Europe : aucun pays — ni même un groupe incluant le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et la Pologne — ne semble en mesure de remplacer le rôle sécuritaire et stratégique des États-Unis, tant les défis financiers, militaires et politiques sont colossaux.
« L’avantage du leadership américain, c’était qu’il était incontestable, massif et perçu comme bienveillant. Personne ne pouvait rivaliser : c’était le chef de la cour de récréation », a résumé un haut gradé français. Aujourd’hui, sans les États-Unis pour mener la barque de l’OTAN, aucun autre acteur ne peut véritablement imposer sa domination.
Des alliés sous tension à La Haye
À La Haye, les chefs d’État et de gouvernement marchent sur des œufs pour ménager Trump. Officiellement, Washington réaffirme son engagement dans l’Alliance atlantique, mais des discussions sur un redéploiement des troupes américaines en Europe sont déjà prévues après le sommet.
Plusieurs responsables européens avouent qu’avec Trump, plus rien n’est garanti. Sous Biden, le principe de dissuasion était clair : en cas d’attaque russe, l’Amérique répliquerait. Désormais, le doute s’installe.
La peur d’un vide stratégique
Le problème n’est pas seulement diplomatique, mais aussi technique et logistique. Remplacer l’appareil militaire américain en Europe coûterait environ 1 000 milliards de dollars sur 25 ans, selon l’International Institute for Strategic Studies. Les besoins les plus critiques concernent les satellites, les capacités de frappe à longue distance, le ravitaillement en vol et le transport tactique.
Certains dirigeants comme Norbert Röttgen en Allemagne appellent à renforcer les capacités européennes, non pour remplacer les États-Unis, mais pour mieux les compléter. Toutefois, même cette stratégie reste incertaine.
Des équilibres internes fragiles
Plusieurs pays pourraient théoriquement assumer davantage de responsabilités : la France et le Royaume-Uni, en tant que puissances nucléaires, l’Allemagne avec son poids économique et la Pologne, désormais première armée d’Europe (hors Turquie) en termes de budget et d’effectifs.
Mais chacun de ces États rencontre aussi de sérieuses difficultés :
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La France fait face à des finances publiques tendues et à une relation avec les pays baltes encore fragile.
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Le Royaume-Uni lutte contre des contraintes budgétaires et des engagements militaires souvent non tenus.
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La Pologne est politiquement divisée et financièrement sous pression.
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L’Allemagne manque d’initiative stratégique malgré ses déclarations ambitieuses.
Le risque populiste
Autre facteur d’instabilité : la poussée des partis populistes en Europe. Les prochaines élections en France, au Royaume-Uni et en Allemagne pourraient porter au pouvoir des dirigeants moins enclins à défendre l’unité de l’OTAN face à Moscou.
« Ce qui fonctionne aujourd’hui avec Macron, Starmer et Merz pourrait être balayé demain par Le Pen, Farage et Weidel », avertit un militaire français.
Vers une coalition européenne ?
Pour compenser un éventuel retrait américain, les experts s’accordent sur la nécessité de coalitions européennes élargies :
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Le couple franco-britannique dispose de la dissuasion nucléaire.
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L’Allemagne peut mobiliser des moyens économiques et industriels.
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La Pologne comprend la menace russe et s’équipe massivement.
Mais sans coordination renforcée et volonté politique commune, l’Europe risque de rester spectatrice. « Il faut dès maintenant penser à un scénario avec et sans les États-Unis », résume Joschka Fischer, ancien ministre allemand des Affaires étrangères.