Inde : Comment le pays a déjoué les effets économiques de la guerre en Ukraine


Alors que l’Inde a longtemps été critiquée pour sa position neutre dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie et son refus de participer aux sanctions occidentales contre Moscou, nombre d’analystes prédisaient son isolement sur la scène géopolitique et un ralentissement économique. Pourtant, contre toute attente, le pays a maintenu une croissance soutenue, évitant les répercussions économiques majeures de la guerre.

Une croissance solide malgré le contexte mondial

Alors que le Fonds monétaire international (FMI) prévoyait un ralentissement de la croissance mondiale à 3,2 % en 2022, après 6 % en 2021, et une nouvelle baisse à 1,3 % en 2023, l’Inde affichait de son côté des taux de croissance de 9,4 % en 2021-2022 et de 7,2 % en 2022-2023, surpassant la Chine.

Comment l’Inde a-t-elle échappé aux effets de la guerre ?

Les deux principaux facteurs mondiaux de déstabilisation ont été l’inflation et la crise énergétique, conséquences directes du conflit russo-ukrainien. L’inflation mondiale a bondi de 4,7 % en 2021 à 8,8 % en 2022, tandis que les prix de l’énergie augmentaient de 20 % dans les cinq mois suivant le début de la guerre.

L’Europe a particulièrement souffert, étant très dépendante des approvisionnements russes en gaz, pétrole et céréales — la Russie et l’Ukraine représentant ensemble près d’un tiers de la production mondiale de blé et une part importante du maïs. Cette situation a également touché les pays émergents, comme les membres de l’ASEAN, à travers les effets indirects des sanctions occidentales.

Face à cela, l’Inde s’est distinguée par sa capacité de résilience, surpassant en 2022 la croissance des grands pays émergents asiatiques, dont la Chine, et s’imposant en 2023 comme le moteur de la croissance mondiale selon le FMI.

Les leviers de résilience indienne

Autosuffisance alimentaire

Passée du statut de pays en insécurité alimentaire dans les années 1960 à celui de deuxième producteur mondial de céréales, l’Inde est aujourd’hui le plus grand exportateur de riz et l’un des principaux producteurs de blé, sucre, arachides, fruits et légumes.

Cette autosuffisance a permis au pays de contenir la hausse des prix alimentaires provoquée par la guerre, contrairement à l’Europe et à l’Asie du Sud-Est. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les prix alimentaires mondiaux ont bondi de 40 % en mars 2022, avant de redescendre à 18 % en janvier 2023. En Inde, l’inflation alimentaire est restée contenue, oscillant entre 6 et 7 % de 2022 à 2024.

Gestion stratégique de l’approvisionnement pétrolier

Pays largement dépendant des importations pour satisfaire plus de 90 % de ses besoins en pétrole, l’Inde a choisi de contourner les sanctions occidentales contre la Russie et de renforcer ses importations de pétrole russe, profitant de ses relations diplomatiques de longue date avec Moscou.

Ainsi, la part du pétrole russe dans les importations indiennes est passée de 2 % avant la guerre à près de 36 % en 2023-2024, offrant au pays non seulement une sécurité d’approvisionnement mais aussi des économies substantielles en devises, le brut russe étant vendu à des prix très compétitifs.

Maîtrise de l’inflation

Pour la première fois, l’Inde a réussi à contenir l’impact de l’inflation énergétique mondiale. L’indice des prix à la consommation (CPI) s’est établi à 6,6 % en 2022-2023, bien en deçà de l’inflation mondiale à 8,8 %, avant de reculer à 4,36 % en 2024-2025.

L’Inde a ainsi démontré sa capacité à absorber les chocs économiques mondiaux grâce à des fondamentaux économiques solides et à une diplomatie pragmatique et opportuniste. Sa stratégie alimentaire et énergétique lui a permis de neutraliser les effets économiques de la guerre en Ukraine, consolidant sa place comme futur moteur de la croissance mondiale.

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