Une découverte archéologique d’une rare beauté éclaire d’un nouveau jour le raffinement spirituel et technique du Japon antique. Sur l’île sacrée d’Okinoshima, surnommée « l’île des dieux », une lance en fer ornée d’or, restée longtemps ignorée depuis sa découverte en 1954, s’impose aujourd’hui comme le plus ancien exemple connu en Asie de l’Est d’une arme incrustée de motifs en or.
L’objet, d’une longueur d’un peu plus de 30 centimètres, avait été retrouvé enfoui sous un rocher sacré, à proximité du sanctuaire shintoïste Okitsu-gū, situé sur cette île interdite d’accès au grand public, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais ce n’est que récemment que sa richesse symbolique et artisanale a été pleinement révélée, grâce à des technologies d’imagerie avancées, notamment des scans aux rayons X et à la tomodensitométrie, menées par l’Agence japonaise des Affaires culturelles.
Une orfèvrerie rituelle d’exception
Ce que les chercheurs ont mis au jour dépasse de loin ce que l’on soupçonnait jusqu’ici : un réseau dense de motifs décoratifs incrustés sous les couches de corrosion, réalisés selon la technique japonaise rare du kinzōgan. Cette méthode consiste à insérer de l’or pur dans des rainures gravées à la main, un procédé demandant une extrême finesse d’exécution.
Les motifs identifiés sont riches de symbolisme :
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Phénix stylisés, souvent associés à la renaissance et à l’immortalité ;
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Arabesques en forme de vigne, évoquant la vitalité ou les cycles naturels ;
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Motifs en carapace de tortue, symbole de longévité et de protection ;
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Éléments évoquant des plumes ou des fleurs, sans doute porteurs d’un message spirituel ou cosmique.
Un témoignage du pouvoir sacré du Yamato
Datée du IVe au VIe siècle, cette arme n’était pas conçue pour le combat. Sa finesse et sa présence dans un lieu de culte témoignent de sa fonction strictement rituelle. Elle était probablement offerte en hommage aux divinités marines ou utilisée dans des cérémonies de consécration liées au pouvoir impérial émergeant.
Cette découverte s’inscrit dans le contexte de l’État Yamato, premier noyau de pouvoir centralisé au Japon. Elle renforce l’idée que ce pouvoir s’est aussi exprimé à travers des objets sacrés, synthèse de technologie, de croyance et de hiérarchie politique.
Une île toujours gardienne du silence
L’île d’Okinoshima, située au large de Kyūshū, reste aujourd’hui fermée au public. Seuls quelques prêtres shinto peuvent y pénétrer, perpétuant des rituels millénaires. La lance incrustée d’or, désormais analysée hors site, rappelle que cette île mystérieuse fut un carrefour spirituel majeur entre le Japon, la Corée et la Chine ancienne.
Une redécouverte emblématique
Ce chef-d’œuvre d’orfèvrerie rituelle, caché pendant des siècles sous une patine de rouille, démontre combien la haute technologie peut révéler des trésors invisibles, et combien le sacré et l’artisanat d’exception étaient liés dans le Japon protohistorique.
Les chercheurs espèrent que cette redécouverte ouvrira de nouvelles pistes pour mieux comprendre les pratiques religieuses, l’organisation sociale et les échanges culturels de cette période encore largement méconnue.