L’esquisse de plan de paix élaborée par la Maison-Blanche pour mettre fin à la guerre en Ukraine provoque une fissure transatlantique majeure. Depuis le sommet du G20 en Afrique du Sud, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a décliné une série de lignes rouges, estimant que la proposition américaine, telle qu’avancée par l’administration Trump, rendrait l’Ukraine vulnérable à une future agression russe. Washington recommande en effet à Kyiv de céder certains territoires à Moscou, de réduire de moitié la taille de son armée et d’accorder aux États-Unis une part de 50 % des profits issus de la reconstruction.
Pour Bruxelles, ces exigences équivalent à figer la victoire militaire russe et à transférer le coût politique du conflit à l’Europe. “Un accord crédible doit arrêter la guerre sans semer les germes d’un nouveau conflit”, a affirmé von der Leyen, rappelant trois principes européens inébranlables : aucun changement de frontières imposé par la force, aucune limitation de défense qui laisserait l’Ukraine exposée, et une place centrale pour l’Union européenne dans le futur dispositif de sécurité.
Les capitales européennes, qui assurent avoir été écartées de l’élaboration du plan américain, crient à une démarche unilatérale qui contourne l’Ukraine elle-même. De son côté, António Costa, président du Conseil européen, reconnaît une base de discussion mais juge la proposition “incomplète” et “à retravailler profondément”.
À Genève, où des discussions sont menées sous égide américaine, les diplomates européens tentent de peser pour que leurs lignes rouges soient intégrées — rappelant qu’aucune paix durable ne peut être négociée sans Kyiv. Les critiques s’accumulent également aux États-Unis. Le sénateur indépendant Angus King estime que le plan, tel qu’il existe, “n’est ni juste ni durable”, et qu’un accord viable ne peut émerger que d’une consultation réelle des Européens et des Ukrainiens.
Pendant ce temps, Donald Trump semble temporiser : après avoir posé un ultimatum à Zelensky pour accepter les conditions américaines, il assure désormais que le projet “n’est pas encore son offre finale”. Mais il en profite pour attaquer Bruxelles et Kyiv, accusant l’Ukraine d’“ingratitude” et l’Europe de continuer à importer du pétrole russe — un reproche signifiant que Washington se considère en position d’arbitre financier du conflit.
Ce choc de visions met à nu une fracture stratégique : pour Washington, l’urgence est d’arrêter la guerre rapidement ; pour Bruxelles, la priorité est d’éviter la prochaine. Et pour Kyiv, c’est sa survie même qui se joue dans les détails de cet accord.
