L’idée que la Corée du Sud développe des armes nucléaires gagne en popularité, avec jusqu’à 70 % de l’opinion publique favorable selon certains sondages. Cette montée en puissance du débat est alimentée par plusieurs facteurs : l’arsenal croissant de la Corée du Nord, l’essor de la Chine, et une perception grandissante d’un désengagement américain. Le sujet est même devenu un thème de campagne présidentielle.
Pourtant, une opinion populaire et des raisons solides ne suffisent pas à garantir la réalisation d’un tel programme. Les deux grands camps politiques sud-coréens expriment des réserves importantes. La gauche craint un impact négatif sur les relations avec Pyongyang et considère la démarche incompatible avec l’objectif de dénucléarisation de la péninsule. La droite, quant à elle, redoute des représailles diplomatiques, un frein aux exportations, et un affaiblissement des relations avec la Chine.
Mais l’obstacle principal est plus fondamental : la décision de se doter de l’arme nucléaire demande une unité nationale solide et durable. Cela implique qu’un exécutif s’engage, qu’un parlement alloue les financements nécessaires, et qu’un appareil d’État facilite les démarches. Or, cette unité est rare en Corée du Sud, un pays marqué par une décennie de turbulences politiques.
Malgré une certaine fonctionnalité institutionnelle et un consensus bipartisan sur certaines politiques, lancer un projet aussi ambitieux que celui d’un programme nucléaire exige une convergence d’idéologies nouvelle et stable.
Sur la péninsule, la Corée du Nord joue un rôle idéologique central. L’extrême droite souhaite libérer le Nord, quitte à risquer un conflit. L’extrême gauche, à l’opposé, veut voir le régime nord-coréen gouverner toute la péninsule. La majorité politique se situe entre ces deux pôles : la gauche prône la coopération et l’unification progressive, la droite impose que le Nord fasse des concessions, notamment la dénucléarisation, avant toute avancée.
Actuellement, la gauche détient la présidence et le parlement. La sécurité est un levier essentiel dans le dialogue avec le Nord, apportant à la population sud-coréenne la confiance nécessaire pour envisager la paix ou l’unification. Selon la gauche, cette sécurité repose sur l’alliance avec les États-Unis et les capacités conventionnelles du pays. Les armes nucléaires sont perçues non seulement comme inutiles, mais aussi comme un facteur de rupture avec Pyongyang et un obstacle diplomatique.
La droite, qui n’est plus au pouvoir, considère toujours l’alliance américaine comme la pierre angulaire de la protection contre le Nord. Si elle revenait au pouvoir, elle resterait réticente à la nucléarisation, d’autant plus que cette option provoquerait de vives oppositions dans l’alliance et des conséquences économiques négatives, notamment vis-à-vis de la Chine. Pour elle, le partage nucléaire au sein de l’alliance est une solution plus plausible.
Alors, pourquoi cette forte agitation autour d’une option nucléaire jugée improbable ? La réponse tient à la promesse d’une solution face à des problèmes réels. Les armes nucléaires symbolisent la capacité de la Corée du Sud à résister à la pression croissante de la Corée du Nord et de la Chine, tout en réduisant la dépendance à un allié américain perçu comme imprévisible. Cependant, malgré cette popularité, aucun courant politique ne possède la force nécessaire pour concrétiser ce projet face aux réalités géopolitiques.