Les satellites ne font plus que prendre des photos : ils pensent désormais, avec l’aide de l’intelligence artificielle. Ce mercredi, la société américaine Maxar Technologies, célèbre pour avoir exposé les préparatifs russes avant l’invasion de l’Ukraine, a dévoilé son nouveau produit : Sentry. Un système de surveillance prédictive capable de traquer n’importe quelle activité suspecte, n’importe où sur la planète — et de le faire en temps réel.
Maxar qualifie Sentry de "mini agence de renseignement autonome". Une IA qui fusionne les données de satellites optiques, radar, météorologiques et thermiques, pour détecter les anomalies : mouvements de troupes, livraisons d’armes, trafics maritimes, activités industrielles suspectes... ou simples parkings de supermarchés (oui, vraiment).
L’œil global : vers une surveillance sans faille
Avec Sentry, Maxar orchestre la collaboration de plusieurs constellations satellitaires, chaque opérateur privé mettant ses capteurs au service d’une couverture permanente. L’image est parlante : une "garde de quartier" orbitale. Une veille 24/7 sur les sites sensibles : bases militaires, chantiers navals, plateformes de lancement, ports, villes industrielles, centres de recherche.
C’est un changement de paradigme. Jusqu’ici, les satellites passaient au-dessus d’un point une fois par jour. Désormais, plusieurs satellites peuvent être coordonnés pour scruter la même cible à intervalles réguliers, augmentant considérablement les "revisites" sur des sites d’intérêt stratégique.
Renseignement pour les États, profits pour le privé
Déjà utilisé par certaines agences américaines, Sentry sert à détecter les trafics en mer, les transferts d’armes, ou la mise en œuvre de systèmes de missiles. Dans le secteur privé, il pourrait analyser des mines, des entrepôts ou la consommation de masse — pour prédire des crises économiques ou commerciales.
Le responsable produit de Maxar, Peter Wilczynski, compare ce système à une "opération de surveillance conjointe" : chaque entreprise ajoute ses ressources à la matrice, et en échange, tout le monde peut y puiser des renseignements. On mutualise le ciel comme on mutualiserait des agents de terrain.
Vers une militarisation totale de l’espace commercial ?
Cette logique de fusion public-privé du renseignement ouvre des perspectives inquiétantes. Lorsque l’IA décide qu’une "anomalie" mérite observation, sur la base d’algorithmes calibrés par des gouvernements ou des intérêts financiers, qui contrôle vraiment l’usage de l’image ? Et surtout, à qui appartiennent les données ?
Avec Sentry, nous assistons peut-être à la naissance d’un réseau d’espionnage global semi-automatisé, où les frontières entre renseignement militaire, surveillance économique et contrôle social deviennent floues.