Peu après l’invasion américaine de l’Irak en 2003, une offre de paix sans précédent est transmise par l’Iran aux États-Unis. Elle propose un bouleversement géopolitique majeur au Moyen-Orient : normalisation avec Israël, fin du soutien au Hamas et au Hezbollah, et coopération nucléaire transparente. Pourtant, cette proposition ne sera jamais sérieusement considérée par l’administration Bush.
Une proposition aux implications historiques
Le document transmis à Washington incluait :
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Une pleine coopération nucléaire avec l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA)
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L’arrêt du soutien militaire aux groupes palestiniens armés
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La reconnaissance du droit à l’existence d’Israël — un tabou levé côté iranien
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Un appui à la stabilisation de l’Irak, alors sous occupation américaine
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L’adoption de l’initiative de paix arabe de 2002 (qui prévoit la reconnaissance d’Israël par les pays arabes en échange d’un retrait des territoires occupés)
Un document politiquement explosif, adressé via des canaux diplomatiques discrets.
Enterrement de première classe à Washington
Selon des révélations du site The Intercept, c’est Elliott Abrams, haut responsable au Conseil national de sécurité à l’époque, qui aurait freiné la transmission du document à la Secrétaire d’État Condoleezza Rice. Résultat : le document reste lettre morte. Rice ne le verra jamais. L’offre n’est pas discutée.
Ce refus intervient alors que l’administration Bush, fraîchement victorieuse en Irak, pense pouvoir remodeler unilatéralement le Moyen-Orient, sans compromis. Refuser l’offre iranienne, c’est aussi éviter toute reconnaissance implicite du régime des mollahs, que Washington cherche à isoler.
Qui est Elliott Abrams ?
Personnage controversé, Elliott Abrams incarne la continuité d’une certaine ligne néoconservatrice américaine. Né dans une famille juive new-yorkaise, il a conseillé plusieurs présidents républicains — Reagan, Bush fils, Trump.
Condamné pour son rôle dans le scandale de l’Iran-Contra, il sera gracié par George H. W. Bush. En 2019, Abrams est nommé envoyé spécial pour le Venezuela, puis en 2020 pour l’Iran, sous l’administration Trump. Il est aussi un soutien inconditionnel d’Israël, allant jusqu’à critiquer Barack Obama pour avoir permis le vote d’une résolution de l’ONU dénonçant la colonisation israélienne en Cisjordanie.
Une paix manquée ?
Ce que révèle cet épisode, c’est que la diplomatie n’échoue pas toujours par manque d’opportunités, mais souvent par choix politique. L’offre iranienne de 2003 aurait pu rebattre les cartes d’un Moyen-Orient aujourd’hui ravagé par deux décennies de conflits. Elle a été ignorée, non pas pour son irréalisme, mais parce qu’elle contrariait une vision du monde fondée sur la domination et l’unilatéralisme.
